Septembre 2021. Rose vient de s’installer à Nancy où elle a été admise à l’École nationale supérieure d’Art et de Design, sur le campus ARTEM. Un siècle après Henri, elle raconte à ses parents sa découverte de la ville et l’héritage omniprésent du mouvement de l’École de Nancy.
Elle est l’œuvre conjointe de l’ébéniste Louis Majorelle, du verrier Daum, du vitrailliste Jacques Gruber et des architectes Lucien Weissenburger et Alexandre Mienville dont une descendante, présente dans le film, fréquente encore assidûment le lieu ; érigée en manifeste du mouvement de l’École de Nancy, la brasserie Excelsior est pourtant tardive (1911) dans l’histoire du groupe.
Elle doit son existence à la volonté de Louis Moreau, brasseur de Vézelise, de promouvoir sa production à travers une vitrine chic, digne du Nancy 1900. L’établissement est une plongée dans le temps, à travers le contraste saisissant d’une architecture extérieure sobre et d’une décoration intérieure exubérante, qui rappelle les grands cafés parisiens ou viennois de la Belle Époque. Le lieu, où voisinent des décors de fougère, de gingko (espèce végétale emblématique de l’École de Nancy) et de pin, est entretenu dans son esprit d’origine.
La brasserie connut cependant une histoire heurtée et faillit disparaître sous les coups de boutoirs de l’architecture brutaliste des années 1970 comme en témoigne la proximité de la Tour Thiers. Durant les années 1980, l’établissement, enfumé, était confié aux petits trafics et rixes régulières si bien qu’un vitrail de Jacques Gruber (côté rue Henri Poincaré) porte encore les stigmates d’un coup de feu tiré depuis l’intérieur !
Elle donne son nom à l’héroïne de notre film et fut la seule créatrice féminine de l’École de Nancy, dont les membres fondateurs sont exclusivement masculins. Au sein du mouvement, les femmes sont muses et inspiratrices comme Marie Prouvé, l’épouse de Victor Prouvé ou encore, collaboratrice et gestionnaire comme Henriette Grimm-Gallé, l’épouse du maîtreverrier.
Évoquant le destin d’une Camille Claudel, la vie de Rose Wild est façonnée par le talent et l’internement psychiatrique. Élève brillante de l’École régionale des Beaux-Arts de Nancy, ouverte aux femmes à la fin des années 1880, Rose Wild reçoit l’enseignement de Jacques Gruber et des prix sanctionnant ses dessins et compositions décoratives inspirées par la botanique.
En 1898, cas unique dans les ateliers du maître, elle est recrutée par Émile Gallé pour préparer les productions des établissements Gallé présentées à l’Exposition universelle de Paris en 1900. Elle y obtient une médaille de bronze dans la catégorie des vitraux et verreries. Elle collabore avec Émile Gallé sur des pièces verrières présentées en exposition, comme le vase Érable Sycomore réalisé en 1903. La même année, elle est internée à la maison de santé Sainte-Anne à Laxou, d’où elle s’échappe au début de 1904 avec l’intention affichée de se suicider. Elle est retrouvée noyée dans la Moselle, en Ophélie des temps modernes.
En 1901, les statuts de l’École de Nancy faisaient mention de la volonté de créer un musée présentant les collections rassemblées par les membres du groupe. Il faudra cependant attendre 1964 pour que ce projet voit le jour sous sa forme actuelle.
Installé dans l’ancienne maison de campagne d’Eugène Corbin, propriétaire des Magasins Réunis, le Musée de l’École de Nancy est l’un des rares dédiés à un mouvement artistique unique et le seul en France entièrement consacré à l’Art Nouveau. Intégrant l’important legs de la collection d’Eugène Corbin à son cadre de vie personnel, le Musée de l’École de Nancy invite à découvrir des œuvres souvent inédites dans l’ambiance feutrée d’une demeure bourgeoise.
Confiée par le mécène à la ville de Nancy dans la seconde moitié des années 1930, la collection subit de nombreux aléas et un désintérêt profond de la municipalité, à une époque où l’Art Nouveau, démodé, n’intéresse plus. Un temps exposée à la galerie Poirel, elle est reléguée à la Libération dans les anciens abattoirs de la ville où elle souffre d’un stockage indélicat et des inondations de 1947.
Eugène Corbin, décédé en 1952, la restaure à ses frais en enjoignant la ville de lui trouver un cadre digne. Cette dernière se porte alors acquéreuse de la demeure privée de l’homme d’affaire et la collection retrouve ainsi un cadre familier.
Pensé comme un carrefour des talents et des compétences, le campus ARTEM affiche dès sa conception la volonté de ressusciter l’esprit de l’École de Nancy en conjuguant les intelligences collectives d’un territoire.
Situé au cœur du quartier Nancy Thermal, non loin du parc Sainte-Marie, du Musée de l’École de Nancy ou encore des villas 1900 signées par l’architecte César Pain dans la rue Félix Faure, le projet du campus ARTEM voit le jour un siècle après le mouvement artistique dont il se veut l’héritier. Célébrant les savoir-faire, ARTEM abrite aujourd’hui plusieurs écoles et formations qui ont fait l’identité même de l’École de Nancy ; s’y croisent les ingénieurs des Mines Nancy, les commerciaux de l’ICN Business School et les artistes et designers de l’École nationale supérieure d’Art et de Design. Le dialogue entre le monde des affaires, de l’industrie et de l’art est alors concentré en un même lieu, prônant la collaboration à travers une pédagogie innovante.
L’ensemble porte également un vrai projet urbain et participe de la dynamique d’un quartier promis à un bel avenir, affermi par la restructuration du site Nancy Thermal. Conformes aux préoccupations écologiques et énergétiques du XXIe siècle, les structures d’architectes de campus ARTEM se veulent un rappel à l’univers végétal qui inspira tant les créateurs de l’École de Nancy.
