Étape 1
Ma racine est au fond des bois
Par un heureux concours de circonstance, Henri s’apprête à rencontrer le maître-verrier Émile Gallé à qui il doit emprunter un précieux herbier. Il le trouve en pleine nature, fasciné par le règne végétal…
Par un heureux concours de circonstance, Henri s’apprête à rencontrer le maître-verrier Émile Gallé à qui il doit emprunter un précieux herbier. Il le trouve en pleine nature, fasciné par le règne végétal…
Négociant en houblon, Eugène Schott donne libre cours à sa passion pour la botanique en aménageant à Maxéville un jardin planté de nombreuses espèces de conifères. Futur maire de la commune, il s’investit au sein de la Société centrale d’Horticulture de Nancy, co-fondée par Émile Gallé, en 1877. Illustrant particulièrement le lien entre l’inspiration naturaliste du mouvement artistique de l’École de Nancy et la création plastique, cette société savante est l’une des plus actives et renommées de France.
C’est dans ce cadre qu’Eugène Schott annonce en octobre 1902 la création d’un arboretum privé, à la fois lieu d’expérimentation horticole et cadre d’épanouissement des espèces servant de modèle aux motifs de l’Art Nouveau : l’Abiétinée, à Malzéville. Après plusieurs décennies d’abandon, le jardin de l’Abiétinée pourrait aujourd’hui bien rouvrir ses portes aux promeneurs et artistes inspirés.
En 1879, Émile Gallé commande au menuisier d’art Eugène Vallin cette porte monumentale qui sera celle de ses ateliers d’ébénisterie situés rue de la Garenne à Nancy. On peut aujourd’hui l’admirer au cœur du jardin du Musée de l’École de Nancy, accessible à tous.
La citation qui l’orne est parfaitement illustrative du lien profond qu’entretient Émile Gallé à la nature. Alors même que le mouvement de l’École de Nancy ne se structure qu’en 1901, ces quelques mots montrent à quel point le répertoire naturaliste est déjà intimement lié à l’œuvre du maître qui, décédé en 1904, aura souhaité reposer sous un tapis de lierre, comme en témoigne encore sa tombe visible au cimetière de Préville à Nancy.
Cultivé, polyglotte, Émile Gallé peut être considéré comme le véritable théoricien du mouvement de l’École de Nancy dont il prend la présidence dès sa création en 1901. L’année précédente, il fait paraître un opuscule, Le Mobilier contemporain orné d’après nature, qui apparaît comme le manifeste du groupe. Il y évoque la nécessité de s’extraire, sur le plan décoratif, des « thèmes du passé » pour s’inspirer du répertoire végétal, inépuisable et intemporel.
Célébrant la nature, il déclare que « l’idéal de l’ébénisterie contemporaine, ce n’est plus le temple, ce sont les vivantes architectures ».
Des lignes qui renvoient au poème Correspondances de Baudelaire : « la nature est un temple, où de vivants piliers… ». La forêt est pour Émile Gallé, comme pour Baudelaire, un espace sacré, dont les richesses inspirent tous les arts. Ces réflexions font écho aux propos du poète symboliste au Salon de 1859 : « Je crois à la nature et je ne crois qu’à la nature […] Ainsi, l’industrie qui nous donnerait un résultat identique à la nature serait l’art absolu ». Quelques décennies plus tard, les productions de l’École de Nancy incarneront et dépasseront, même, la vision baudelairienne : l’industrie, inspirée par la nature, prolonge alors la main de l’Homme pour produire cet art absolu, pour tous.
Les artistes de l’École de Nancy, sont, bien avant la création du mouvement, déjà familiers des grands-messes dédiées au progrès, à l’industrie et aux arts décoratifs que sont les expositions universelles. Émile Gallé est ainsi présent aux expositions universelles parisiennes de 1867, 1878, 1889, 1900 et même à celle de Chicago en 1893. Vitrines des productions variées des maîtres d’art, les expositions font partie intégrante de la communication visuelle des grandes manufactures et sont le théâtre de collaborations inédites. Elles sont incontournables pour les artistes en quête de renommée.
L’article 2 des statuts de l’École de Nancy rédigés en 1901 évoque ainsi la nécessité pour le groupe d’« organiser des expositions à Nancy et au dehors » ; avant même cette date, l’Exposition d’Art décoratif de Nancy, organisée aux galeries Poirel par l’architecte Charles André, apparaît ainsi comme le véritable acte de naissance du mouvement ; pour la première fois, tous les futurs grands noms de l’École de Nancy exposent ensemble et travaillent au renouvellement de leur style, dans le sens de cette nouvelle modernité inspirée de la nature, comme en témoigne la très belle affiche de l’Exposition dessinée par Camille Martin et figurant un paon majestueux.